Une des questions qu’on peut se poser, si l’on connaît la sociologie de la connaissance de Pierre Bourdieu, est celle de savoir si l’exercice de la philosophie se déroule dans des conditions sociales qui permettent le développement d’une raison philosophique dont la force serait comparable à celle de la raison scientifique. Il semble a priori possible de tirer de la sociologie bourdieusienne de la science et de la prise en compte des conditions sociales d’exercice de l’activité philosophique quelques enseignements à propos de sa nature et de la possibilité de son progrès.
Confronté à l’irrationalisme contemporain (devenu si prégnant en philosophie des sciences, et largement répandu parmi les scientifiques et dans le public cultivé), David Stove ne le combat pas frontalement, thèses contre thèses : il le traite comme une maladie dont il décrit les symptômes et recherche la cause. Il identifie et isole le virus qui l’a engendré (le déductivisme de Popper), et donne à chacun des armes pour le combattre.
Selon Godwin, la raison et la vérité ne peuvent pas prospérer et se diffuser quand nous sommes soumis à un gouvernement. Celui-ci n’attend finalement qu’une seule chose de ses sujets ou de ses citoyens : l’obéissance. Si, par miracle, le gouvernement se pliait aux lois de la raison, il ne serait même plus vraiment pertinent de parler d’obéissance. Mais cela s’oppose de toute façon à la nature du gouvernement, qui ne domine en réalité que par deux moyens : la force et la confiance (elle-même fondée sur l’ignorance).
Mon exposé est centré sur l’interprétation critique que Jon Elster a progressivement élaborée de la théorie du choix rationnel, et sur les implications de cette critique pour l’explication des comportements sociaux individuels et collectifs. De manière plus générale, j’ai essayé d’esquisser les grandes lignes de ce qui finit par ressembler à une sorte d’anthropologie et de psychologie philosophiques, dans laquelle la rationalité est conçue comme une faculté essentiellement subjective, sans cesse confrontée au jeu des passions, des intérêts, mais aussi à celui des finalités objectives qu’elle est elle-même capable de faire émerger.
Diverses et hétérogènes, les fins de l’action politique sont en rivalité les unes avec les autres. D’où les désaccords et les conflits qui sont à la racine de toute vie politique, et au cœur de toute histoire des idées politiques et de toute philosophie politique. Cette idée est au cœur de la pensée politique du philosophe et historien des idées Isaiah Berlin. Comme on essaie ici de le montrer, ce pluralisme irréductible des valeurs n’est pas un relativisme. Et sa reconnaissance est sans doute nécessaire pour qui veut associer étroitement rationalité et liberté.
Une réalisation Goélette