« Parler et penser sont une seule et même chose » (Karl Kraus). Sont ici réunis un entretien, un essai et une conférence que Jacques Bouveresse a écrits sur le satiriste et dramaturge autrichien entre mai et novembre 2014.
Le pouvoir de décider de ce qui doit être reconnu comme un fait établi, à l’issue d’un processus qui ne peut pas rester strictement individuel et qui se révèle la plupart du temps compliqué et incertain, n’a rien à voir avec celui de décider de ce qui est un fait et de ce qui n’en est pas un, une chose que, n’en déplaise à Latour, il incombe en principe bel et bien à la réalité ou à la nature, comme on les appelle, et à elles seules de décider : si la Terre n’est pas creuse et la Lune pas faite de fromage de Roquefort, ce n’est pas nous qui avons décidé qu’elles ne l’étaient pas, mais la réalité, telle que nous estimons être parvenus à la connaître.
« Cette guerre est triviale, malgré son ampleur. […] Lorsque deux chiens se battent dans la rue, personne ne suppose qu’autre chose que l’instinct puisse les y pousser, ou qu’ils seraient mus par des fins nobles et dignes. Mais s’ils étaient capables de ce qu’on appelle “penser”, si on leur avait enseigné que le Chien est un animal rationnel, […] l’un prétendrait se battre pour promouvoir la bonne sorte d’odeur (Kultur), et l’autre pour défendre la liberté canine imprescriptible de courir sur le trottoir (démocratie). Mais cela n’empêcherait pas les passants de voir que leur action est stupide, et qu’il convient de les séparer au plus vite. » (Russell, 1915)
Confronté à l’irrationalisme contemporain (devenu si prégnant en philosophie des sciences, et largement répandu parmi les scientifiques et dans le public cultivé), David Stove ne le combat pas frontalement, thèses contre thèses : il le traite comme une maladie dont il décrit les symptômes et recherche la cause. Il identifie et isole le virus qui l’a engendré (le déductivisme de Popper), et donne à chacun des armes pour le combattre.
Diverses et hétérogènes, les fins de l’action politique sont en rivalité les unes avec les autres. D’où les désaccords et les conflits qui sont à la racine de toute vie politique, et au cœur de toute histoire des idées politiques et de toute philosophie politique. Cette idée est au cœur de la pensée politique du philosophe et historien des idées Isaiah Berlin. Comme on essaie ici de le montrer, ce pluralisme irréductible des valeurs n’est pas un relativisme. Et sa reconnaissance est sans doute nécessaire pour qui veut associer étroitement rationalité et liberté.
Une réalisation Goélette